La reprise de Khirta

Massinissa, après avoir poursuivi Syphax vers l'Ouest sans qu'il ait pu l'atteindre, revint après quinze jours de campagne en Numidie au milieu des siens. Ceux ci lui firent un accueil triomphal et, durant plusieurs jours, des délégations venant de toute part lui remirent leurs offrandes et l'assurèrent de leur soutien.

Pour reconstituer son armée chaque tribu mit à sa disposition des hommes aguerris dotés d'un équipement complet. Apprenant que Syphax s'apprêtait à reprendre la guerre, il se dirigea vers Korta. Les deux camps, proches l'un de l'autre, s'épièrent tout d'abord, puis la cavalerie de Syphax chargea celle de Masinissa. Elle aurait pu avoir le dessus si l'infanterie romaine n'était pas intervenue à temps; arrêtée dans son élan, un désordre s'ensuivit.

Masinissa, reconnaissant Syphax dans la mêlée, lança son javelot dans sa direction; mais il manqua son but et atteignit la monture. Celle ci s'écroula, désarçonnant son cavalier. Syphax saisi fut remis à Masinissa. Privé de leur chef, bon nombre de soldats se replièrent derrière les remparts de la ville.

Masinissa les poursuivit, emmenant avec lui Syphax enchaîné. Arrivé au bas des remparts, il intima l'ordre aux défenseurs de lui livrer la ville; sur leur refus, il les menaça de les exterminer et de mettre leur aguellid à mort.

            cirta antique

La vue de leur chef prisonnier fit fléchir les plus endurcis et les portes s’ouvrirent (Source : S. Gsell, Histoire ancienne de l' Afrique du Nord)

Masinissa se rendit immédiatement au palais royal. Sophonisba qui connaissait le sort de son mari et devinait le sien si elle était livrée à la horde romaine, demanda « l’anaïa » à Masinissa, dès l'entrée de celui ci dans sa demeure.

L'anïaa est une protection que toute personne, quel qu'en soit le motif, peur demander à une autre personne homme ou femme, à une fraction ou à une tribu. La personne ou la collectivité sollicitée ne refuse jamais cette protection; partant de là, elle mobilise tous ses moyens pour accomplir ce qu'elle considère comme un devoir sacré. On a vu des guerres intestines se prolonger pendant des années parce que un membre du clan reçut et accorda l'anaïa à un transfuge.

Masinissa, ne pouvant déroger à la coutume, ce qui aurait été le plus grand déshonneur et pour lui, et pour sa famille, accepta. Mais les coutumes romaines étant autres, ceux ci ne pouvaient comprendre la valeur morale de son acte.