La
Bataille de Zama.
En - 204, Scipion débarque en Afrique. Un an plus tard, Hannibal
décide de regagner Carthage pour en organiser la défense.
Pour compléter la flotte envoyée de Carthage, il fait
construire trente navires et peut ainsi faire passer la mer aux vingt
mille hommes qui constituent l'élite de son armée.
Il débarque ses troupes à Hadrumète (Sousse)
sur les côtes orientales de la Tunisie. Cet emplacement fut
choisi très loin de Carthage afin que les romaines ne vissent
pas là un acte d'hostilité contraire au traité
de paix. Il voulait faire croire qu'il ne faisait qu'appliquer les
conventions de paix relatives à l'évacuation de l'Italie.
Mais Hannibal, prenant position de ces lieux, entreprit des travaux
pour se consolider et préparer une offensive. Puis prend ses
quartiers d'hiver près d'Hadrumète où il possède
des propriétés et où sa sécurité
personnelle est assurée. Au printemps, il fait mouvement vers
Zama et tente de négocier avec son adversaire. Mais Scipion
exige une décision par les armes.
Un
incident faillit précipiter les évènements. Une
flotte romaine poussée par la tempête échoua sur
les plages du Cap Bon. A la vue des débris et des barils contenant
toutes sortes de denrées, les populations locales se précipitèrent
pour les ramasser. Certains suffètes, pour respecter la trêve
avec Rome, exigèrent qu'on restituât aux romains leurs
biens.
La population, outrée, manifesta devant le sénat carthaginois.
La majorité décida de charger l'amiral Hasdrubal de
récupérer les épaves des navires romains. 60
d'entre elles furent ramenées à Carthage. Scipion, qui
s'était retiré à Syracuse, informé de
cet incident, exigea des réparations. Le sénat carthaginois,
sûr de la victoire d'Hannibal qui préparait activement
la revanche d'un part, et craignant la colère populaire d'autre
part, temporisa. Les émissaires romains, hués, houspillés
par la foule ne durent leur salut qu'à l'intervention de Hannon
le Grand et d'Hasdrubal le « chevreau qui les escortèrent
jusqu'au port où leur navire subit l'assaut des marins.
« Tout à coup, trois trirèmes carthaginoises,
qui s'étaient dissimulées, fondirent sur leur vaisseau.
Les romains surent éviter les chocs des éperons, et
par une défense habile, empêchèrent l'ennemi d'envahir
le pont; beaucoup d'entre eux furent cependant blessés ou tués.
Enfin, à la vue de quelques soldats qui étaient allés
fourrager hors du camp et qui accouraient pour leur venir en aide,
ils se firent échouer sur la plage. Les députés
échappèrent à la mort par miracle » (Source
: S. Gsell, Histoire Ancienne de l’Afrique du Nord)
Scipion,
considérant le traité de paix rompu, revint en terre
africaine.
Pendant
que ces évènements se déroulaient dans le Nord,
Hannibal put contacter Vernina, fils de Syphax pour lui demander de
se joindre à lui. Après avoir dressé un plan
de campagne, ils envahirent le royaume de Masinissa pour occuper les
points stratégiques et s'assurer des voies de communication
avec le royaume de Vernina chargé de l'approvisionnement en
denrées alimentaires.Scipion, tenu au courant des évènements
du Sud, s'apprêta lui aussi à agir. Il demande à
Masinissa de venir à son aide. En attendant ce renfort, Scipion
fit plusieurs incursions dans les régions carthaginoises où
il sema la terreur et fit de nombreuses prises.
Scipion,
pillant tout sur son passage, descendit vers le sud-ouest pour faire
jonction avec Masinissa; celui ci tardant à arriver, il se
dirigea vers Zama où il établit son camp à quelques
kilomètres de celui d'Hannibal. Dès l'arrivée
de Masinissa avec 10.000 hommes, Scipion changea de camp pour s'installer
près d'un village où il pouvait se ravitailler en eau
potable. Hannibal le suivit.
Hannibal
établit son camp à Zama, distante de Carthage, selon
Polybe, cinq journées de marche, ce qui correspondrait au lieu
où se trouve Jama en Tunisie (Il existait trois villes nommées
Zama, dont l'une fut la résidence de Juba 1er )
En
septembre 202 avant J.-C., près de Zama, en Numidie, le consul
Scipion affronte Hannibal et les Carthaginois pour une bataille dont
doit dépendre le sort tu monde méditerranéen.
En portant la guerre contre Carthage sur le territoire africain, Scipion
joue avec la chance. Une défaite romaine à Zama pourrait
bien anéantir pour toujours les desseins de Rome. Mais, grâce
à la tactique originale qu'il adopte sur le champ de bataille,
le jeune consul offre à sa patrie une victoire incontestable,
qui lui assure une suprématie définitive sur la Méditerranée.
Sur
proposition d’Hannibal les deux généraux se rencontrent,
en tête à tête, à mi chemin de leurs troupes.
Ils renvoient leurs escortes et pendant un long moment, s'entretiennent
avec l'assistance d'interprètes. Le général Carthaginois
propose au Romain de nouveau un traité de paix que Scipion
et Sifax avaient discuté auparavant. Au refus de Scipion, qui
considérait comme révolu le temps de la paix, ils se
séparent et rejoignent chacun son camp.
Au
matin du lendemain, les deux armées prennent position, prêtes
à l’affrontement. Hannibal présente ses troupes
d’une manière qui bouleverse les règles courantes
de la stratégie militaire en positionnant son armée
sur trois rangs. Le troisième rang, composé de vétérans
de la campagne d'Italie, à plus de 200 mètres de l'autre
servait de réserve, utilisable en renfort. Il fait placer en
première ligne 80 éléphants, en deuxième
ligne les mercenaires gaulois et ligures, Aux deux ailes se trouve
la cavalerie; à droite, celle des Carthaginois, à gauche,
celle des Numides, commandée par le roi des Masaesyles, Syphax,
époux de Sophonisbe.
Le
plan d'Hannibal consiste à faire charger les éléphants,
puis envoyer les mercenaires gaulois et ligures dans un premier assaut
qui doit affaiblir les Romains, ensuite faire intervenir la ligne
des Carthaginois beaucoup plus solide et, enfin, les vétérans
italiens pour assurer la victoire.
A
la vue du plan de bataille carthaginois, Scipion change radicalement
la manière de disposer ses troupes. Rompant avec la formation
compacte en quinconce de l'infanterie, utilisée par l'armée
romaine, Scipion laisse des passages libres entre les manipules (unités
tactiques de la légion) et place dans ces intervalles des vélites,
ou soldats d'infanterie légère qui pourront évoluer
facilement et désorienter les éléphants. À
l'aile gauche, il dispose la cavalerie romaine sous le commandement
de Caio Lelio et, à la droite, la cavalerie des Numides conduite
par Masinissa, allié des Romains.
Conformément
au plan d'Hannibal la charge des éléphants marque le
début du combat. Mais, affolés par le vacarme des clairons
et des cors romains, les pachydermes se retournent contre leur propre
armée. Seuls quelques-uns continuent à avancer vers
les troupes romaines. C'est alors que la disposition adoptée
par Scipion montre sa supériorité : les cornacs engagent
leurs bêtes dans les passages laissés libres et les vélites
peuvent lancer leurs javelots sur les flancs des animaux, exposés
des deux côtés à la fois. Les deux ailes de l'armée
d'Hannibal, les cavaleries carthaginoise et numide, font les frais
de la débandade des éléphants. Lorsque, à
leur tour, les deux infanteries s'affrontent, les forces sont déjà
inégales.
Les auxiliaires gaulois et ligures, comme Hannibal l'a prévu
ne peuvent longtemps résister et se mettent à reculer
vers la troisième ligne, celle des Carthaginois et des Africains.
Ceux-ci refusent de leur faire place dans leurs rangs et se battent
pour repousser à la fois leurs mercenaires et les Romains.
Scipion adopte ensuite la tactique utilisée par Hannibal lors
de la bataille de Cannes : la deuxième et la troisième
ligne des légionnaires sont envoyées aux ailes et commencent
un mouvement tournant encerclant les Carthaginois qui continuent à
se battre contre la première ligne. A partir de ce moment,
la victoire est acquise pour les Romains. Privés de l'aide
des éléphants, de leur cavalerie, de leurs mercenaires,
les Carthaginois prennent la fuite. Environ 20 000 hommes ont péri
dans leurs rangs. 10 000 ont été faits prisonniers ainsi
que 11 éléphants. Les Romains quant à eux, n’ont
à déplorer qu'environ un millier et demi de morts.
La Bataille : « L'aile droite des romains commandés par
Masinissa met en fuite les numides Masaeyles, dont le chef Massathès,
est tué. Hannibal accourt de ce côté et fait reprendre
l'offensive, Scipion vole au secours... Ils lancent en même
temps leurs javelots. Celui de Scipion atteint le bouclier d'Hannibal,
celui d'Hannibal le cheval de Scipion. Celui ci renversé, monte
aussitôt sur un autre cheval et, lance un nouveau trait qui
manque son but. Masinissa vient le rejoindre...
Un
combat singulier s'engage entre Masinissa et Hannibal. Ce dernier,
comme dans le duel précédent, pare un javelot avec son
bouclier et abat le cheval de son adversaire. Masinissa se relève
et, à pied, s'élance vers Hannibal, à travers
une grêle de traits, qu'il reçoit sur son bouclier en
peau d'éléphant. Il arrache un de ces javelots et vise
Hannibal qu'il manque encore. Pendant qu'il en arrache un autre il
est blessé au bras et se retire un peu à l'écart...
Sa blessure bandée il revient dans la mêlée sur
un autre cheval.
La
lutte reprend avec un nouvel acharnement, car les soldats sont excités
par la présence de leurs chefs... Hannibal voit ses soldats
fléchir peu à peu; certains s'éloignent du champ
de bataille pour, panser leurs blessures, d'autres se retirent définitivement.
Il se porte partout, encourage ses hommes, abat par ci par là
ses adversaires, mais ses efforts demeurent vains. Désespéré,
il ne pense qu'à sauver les restes de son armée.
Il
s'élance en avant entouré de quelques cavaliers, se
fraie un chemin et quitte le champ de bataille. Masinissa qui l'aperçoit
se lance avec son groupe derrière lui. Il le presse, malgré
la douleur que lui cause sa blessure, car il brûle de le ramener
prisonnier. Hannibal échappe à la faveur de la nuit
dont les ténèbres commencent à couvrir la nature
»
(Source : Tite Live, Histoire Romaine).
Il réussit à regagner Hadrumète avec les quelques
cavaliers qui l'ont suivi. La victoire de Zama due essentiellement
à l'aide et à la combativité de Masinissa et
de ses hommes paya largement à Rome la dette qu'il avait contractée
envers elle.
Ayant
pu regagner Carthage, Hannibal déclare à ses concitoyens
qu'il vient de perdre non une bataille, mais la guerre. Carthage doit
accepter un traité de paix désastreux : elle perd l'Espagne,
doit livrer sa flotte et ses éléphants de combat, et
payer en cinquante annuités une indemnité de 10000 talents
(environ 50 millions de francs-or). Revenu à Rome, Scipion
célèbre un triomphe magnifique et reçoit de ses
soldats le surnom d'Africain.
«
Carthage fut soumise à céder toutes ses villes de Libye,
à restituer tous les prisonniers et esclaves fugitifs, à
livrer tous leurs vaisseaux de guerre à l'exception de dix
trirèmes, à remettre tous les éléphants,
à ne faire la guerre à aucun peuple en dehors de la
Libye, en Libye même (ils ne la feront pas sans autorisation);
à remettre à Masinissa les habitations, les terres,
les villes et tout ce qui a appartenu à ce roi ou à
ses ascendants, à l'intérieur des limites qui leur seront
indiquées etc. » (Source : S. Gsell, Histoire Ancienne
de l’Afrique du Nord)
Cette
dernière clause ne plut guère à Masinissa, la
restriction apportée « dans les limites qui seront indiquée
» le fit douter du désintéressement de Scipion;
il ne l'exprima pas, mais agit, par la suite pour agrandir son royaume,
sans tenir compte de ces « restrictions » très
vagues.
Il
reçut, toutefois, « devant toute l'armée, don
de Korta et des autres villes et territoires du royaume de Syphax
qui étaient tombés au pouvoir du peuple romain et que
le prince massyle joignit désormais au royaume de son père...»
(Source : S. Gsell, Histoire Ancienne de l’Afrique
du Nord)