La
Fondation de Carthage.
Les habitants de l'antique cité de Carthage sont originaires
du pays de Canaan, c'est-à-dire du Proche-Orient actuel (Liban
et Palestine). Egalement
appelés Phéniciens, les Cananéens étaient
d'habiles navigateurs et des commerçants hors pair. Ils étaient
connus des Egyptiens contemporains de Ramsès II sous le nom
de Peuples de la Mer. Ils furent à l'origine de notre alphabet
phonétique.
Les
cités phéniciennes comme Sidon ou Tyr créèrent
des colonies tout autour de la mer Méditerranée, autour
de anses rocheuses propices à l'amarrage des navires et appelées
cothons. Gadès et Utique furent fondées par les Phéniciens
dans l'actuelle Tunisie entre le XIIe et le Xe siècles.
Carthage (ou Qart hadasht, la Ville neuve) fut fondée plus
tard, en 663 avant JC, par des marins de Tyr, sur une presqu'île
entourée de lagunes, au nord de l'actuelle Tunis. Au sommet
de sa gloire, la cité comptera 700.000 habitants si l'on en
croit Strabon, un historien romain du IIe siècle avant JC.
Selon la chronologie chrétienne, et les récits de Virgile
dans l'Enéide, Elissa Didon, soeur de Pygmalion, roi de Tyr,
fuyant l'oppression de son frère, débarqua avec ses
trésors et une poignée de fidèles Tyriens et
Chypriotes sur la côte africaine de Tunis, vers 860-870 avant
Jésus Christ. Entre le lac et les marais saumâtres, dans
la péninsule formée par l'ancienne embouchure et les
alluvions du fleuve Medjerda, elle fonda Carthage "Qart Hadast"
(ville nouvelle).
C'est aussi dans l'Enéide, que nous trouvons trace du premier
personnage historique du territoire occupé par l'Algérie
d'aujourd'hui, Hiarbas ou Iarbas, roi de Getulie, ancienne contrée
de l'Afrique en bordure de l'Atlas Saharien. Selon Virgile, Hiarbas,
fils de Jupiter Amon et d'une nymphe, demanda à Didon de l'épouser.
Ayant essuyé un refus, Hiarbas fit la guerre à Carthage.
Justin, dans les histoires Philippiques, résumé de la
grande histoire universelle, adaptée par Trogue Pompée
d'une oeuvre grecque plus ancienne, nous présenta l'épisode
ainsi :
"Des envoyés de Hiarbas, chef de la tribu (Maxyés)
arrivèrent à Cathage pour demander la main de Didon
au nom de leur maître . . . Mais ils n'osèrent pas brusquer
les choses et cherchèrent un détour. Ils feignirent
d'être en quête d'un prince qui consentît à
enseigner à Hiarbas et à ses sujets les moyens de vivre
d'une manière moins barbare . . ."
Carthage a un gouvernement de forme républicaine. Le Sénat,
qui regroupe les hommes libres, élit chaque année deux
Rois ou suffètes. Les Rois sont assistés par un Conseil
des Anciens, recruté parmi les sénateurs. Ils sont choisis
au début dans la famille des Magonides puis dans celle des
Hannonides.
Dans les faits, le gouvernement est accaparé par les principales
familles de marchands. C'est une oligarchie comme plus tard Venise
ou Florence.
L'agriculture
savante, l'arboriculture et la céramique sont les principales
ressources de Carthage, sans oublier surtout le commerce... «Les
Puniques inventèrent le commerce» écrit l'historien
romain Pline l'Ancien.
Comme
Tyr, Carthage fait le négoce des métaux (argent, étain)
avec Gadès ou Cadix, en Espagne, et avec les îles Cassitérides
de l'Atlantique.
L'Histoire
garde le souvenir du prodigieux voyage du suffète Hannon, qui
longea les côtes africaines avec une flotte de nombreux navires
et un total de 30.000 hommes ( !). Il atteignit le golfe de Guinée
avant de regagner la mère patrie.
Les Carthaginois adorent Tanit et surtout Ba'al Hammon. A ce dieu,
selon une coutume originaire de Tyr, ils offrent en sacrifice des
enfants au cours d'une cérémonie appelée «molek»
(ou Moloch). Les malheureux sont jetés dans une fournaise et
leurs cendres sont conservées dans un endroit appelé
«tophet». Les archéologues en ont retrouvé
les traces sur le site de Carthage.
Carthage,
méconnue, fait l'objet d'un petit ouvrage très complet
de François Decret : Carthage ou l'empire de la mer (Seuil,
Points Histoire).
Il
vaut la peine de lire ou relire aussi Salammbô. Gustave Flaubert
raconte dans ce roman épique la guerre des mercenaires, qui
mit en péril la grande cité après la première
guerre punique.