Les
Comptoirs Puniques.
Fondée
environ deux mille ans avant JC par des exilés de Tyr, Carthage
fut la ville la plus riche du monde. Jusqu'au IIIe siècle avant
J.-C., elle dominait toute la Méditerranée occidentale.
Les tentatives d'expansion territoriale de Rome en Sicile devaient
l'entraîner dans de graves conflits. Ces luttes devaient prendre
fin avec la destruction complète de la ville. César
la reconstruisit et en 44 avant J.-C. elle redevient, sous Auguste,
la cité la plus prospère d'Afrique; elle rivalise bientôt
avec Rome par la splendeur de ses monuments.
Comme
l'ont montré plusieurs générations d'historiens,
la configuration géomorphologique de l'Algérie a favorisé
des accès naturels de pénétration; et le relief,
dont les grandes lignes restent parallèles au rivage, peut
expliquer l'établissement de courants d'échanges par
les voies de communication maritimes et terrestres. Il faut imaginer
que les navigateurs phéniciens qui fondèrent Utique
(Sousse) et Carthage en Tunisie, Lixus (Larache) au Maroc, durent
certainement faire escale dans l'un des abris indispensables pour
la navigation de l'époque que pouvait offrir la côte
algérienne. Salluste écrivit à ce sujet: «
Les Phéniciens, les uns pour diminuer la population qui se
pressait chez eux, les autres par désir de domination, entraînèrent
des gens du peuple et d'autres hommes avides de nouveauté,
et fondèrent au bord de la mer Hippone, Hadrumète, Leptis
et d'autres villes. Les colonies prirent vite un grand développement
et devinrent l'appui ou l’honneur de la mère patrie.
»
En
effet, Carthage fut, dès 814, le principal comptoir phénicien
en Méditerranée occidentale, avant de devenir la base
d'un empire maritime qui allait concurrencer les Grecs puis les Romains.
La toponymie appliquée au chapelet de relais antiques reconnus
fournit des indications intéressantes sur l'occupation de certains
sites de la côte algérienne aux époques phénicienne
et punique. C'est le cas d'Icosium, actuelle Alger, dont la syllabe
initiale se retrouve dans les noms de certains comptoirs, tels lol
(Cherchell) ou lgilgili (Jijel). Ailleurs, la syllabe « rus
» désigne les sites établis sur des caps ou promontoires,
comme Rusicade (Skikda), Rusazus (Azeffouffl, Rusucurru (Dellys) ou
Rusgunia (Bordj al Bahri); on note que cette syllabe a la même
origine sémitique que « ras » (cap, en arabe).
Les navigateurs phéniciens vers la fin du premier millénaire,
puis carthaginois à partir du VIIIe siècle, occupèrent
certainement les îles bordières avant de se fixer sur
le continent. Leurs établissements, appelés «
échelles » ou comptoirs, furent ainsi créés
ou renforcés sur tout le littoral maghrébin à
environ cinquante kilomètres les uns des autres, équivalent
de la distance parcourue en une journée par une embarcation
antique.
Quels
rapports eurent ces comptoirs avec les tribus avoisinantes et, d'une
manière générale, avec les populations libyques
ou imazighen et ce pendant plusieurs siècles, entre le VIIIe
et le IIIe siècle av. J. C. ? Il faut également s'interroger
sur le nombre des « comptoirs puniques » et se demander
s'il n'existait pas, à proximité ou sur les mêmes
lieux, des bourgades plus anciennes fondées par les habitants
du pays.
La
présence de l'empire carthaginois en Afrique du Nord va profondément
transformer la société berbère.